Année 2001


Des missiles pour protéger la Hague - Un plan de défense des sites d'intérêt national

Alain Richard, ministre de la Défense, confirme à Ouest-France que le gouvernement va renforcer la protection de certains sites civils et militaires. Parmi eux, le centre de retraitement des déchets nucléaires de la Hague, dans le Cotentin.

Par Édouard MARET

Suivi de : Alain Richard : un site d'intérêt national

Propos recueilli par Joseph LIMAGNE

Ouest-France, 18 octobre 2001

[Mise en ligne le 18/10/2001]

Des missiles sol-air vont être déployés sur le site nucléaire de la Hague, dans la Manche. Des militaires de l'Armée de l'air ont procédé pendant le week-end des 6 et 7 octobre à une reconnaissance.

La France étudie un plan de défense des points sensibles majeurs sur le territoire national. Même si, dans les milieux proches du ministère de la Défense, on assure qu'« aucun indice préoccupant ne laisse supposer que certains sites sensibles français fassent l'objet de menaces terroristes », les pouvoirs publics ont entrepris de vérifier la sécurité de ces sites et d'examiner quelle posture prendre en cas de menace.

L'idée est d'organiser un système de « bulle » de protection autour des sites sensibles, comme à Paris pour la Coupe du monde ou lors des sommets du G7-G8. Il s'agit de mesures de contrôle et de défense aériens : limitation de survol, mise en alerte de l'armée de l'air (chasseurs, hélicoptères) et déploiement de batteries de missiles.

Celui-ci est en préparation pour le site de la Hague, dans le nord Cotentin. Selon nos sources, il s'agirait de missiles de type Crotale, dont la portée peut atteindre une vingtaine de kilomètres. A moins que le choix ne se porte sur un système d'armement terrestre, le Roland, dont les caractéristiques sont sensiblement comparables. Une soixantaine de militaires seront mobilisés pour leur mise en oeuvre.

Dans les deux cas ces systèmes d'armes disposent de radars permettant la détection de leurs cibles, notamment à basse altitude. Ce dont ne disposent pas les moyens civils actuellement en service et qui sont téléguidés par les transpondeurs embarqués à bord des avions.

Divergences

L'implantation d'un tel dispositif au coeur de la Hague risque de susciter des interrogations quant aux risques réels d'attentats. Elles sont partagées par certains militaires qui, sous le képi, avouent regretter « les lenteurs » dans la mise en place d'un système de défense rapprochée des sites nucléaires français. Certains critiquent même clairement le silence politique des responsables du pays : « On perd le sens de l'efficacité opérationnelle pour ne pas affoler l'opinion publique. »

Dans la Manche, comme ailleurs en France, un souci permanent anime les représentants de l'État et les pouvoirs publics : ne pas contribuer, par quelque communication que ce soit, au développement d'une psychose.

Une position que dynamite le rapport Wise, commandé par l'Union européenne, selon lequel « la chute d'un avion sur l'usine Cogéma pourrait avoir des conséquences dramatiques ». Affirmation réfutée par la direction de la Cogéma. Selon les experts du nucléaire, le survol de la Hague étant interdit, nos avions de chasse intercepteraient immédiatement tout avion suspect.

Mais, à la Hague, on ne peut pas l'ignorer, Cogéma emploie quelque 3 200 salariés et presque autant en emplois induits. Une manne, notamment fiscale, pour tout un département. Le conseil général de la Manche reçoit dans son escarcelle quelque 360 millions de francs par le biais de la taxe professionnelle. Dans le même périmètre l'Agence nationale des déchets radioactifs (Andra) stocke 933 000 tonnes de déchets de basse activité auxquels est mêlée une centaine de kilogrammes de plutonium disséminés sur le site.

Retour au sommaire


Alain Richard : un site d'intérêt national

Propos recueilli par Joseph LIMAGNE

Ouest-France, 18 octobre 2001

[Mise en ligne le 18/10/2001]

A-t-on des indices laissant supposer que certains sites sensibles sont menacés d'attaques terroristes en France ?

La situation de tension provoquée par les attentats du 11 septembre a été prise en compte immédiatement par les autorités françaises. Le plan Vigipirate a été renforcé, comme notre posture de défense aérienne. La protection de certains sites d'intérêt national fait partie de ce dispositif ; elle n'est pas l'expression de menaces particulières identifiées. Elle répond à la nécessité de maintenir notre vigilance à un haut niveau et de pouvoir faire face à toute situation, afin d'assurer toute la sécurité possible.

Quelle forme prendra le plan de protection que vous allez mettre en place ? Dans quel délai ?

Des décisions ont été prises par le gouvernement afin de renforcer la protection de certains sites civils et militaires. Cet effort particulier répond à la nécessité de dissuader toute forme de menace. Il sera évolutif et circonstancié, reposera sur une combinaison de moyens faisant principalement appel à ceux de l'armée de l'air et à la gendarmerie. La défense aérienne jouera dans ce cadre un rôle spécifique ; en la matière, on sait que le Premier ministre exerce des responsabilités particulières prévues par nos textes.

Cela concerne combien de sites ? De quel type ?

Comme je l'ai dit, le plan arrêté par le gouvernement sera constamment adapté en fonction de la situation générale. La protection que nous voulons assurer est une protection d'ensemble. S'agissant de sites d'intérêt national, aussi bien civils que militaires, il importe que chacun sache qu'ils seront, en toute circonstance, protégés. En dire plus nuirait précisément à l'efficacité de nos mesures.

Quel dispositif particulier est prévu pour l'usine de retraitement des déchets nucléaires de la Hague ? Envisage-t-on ­ et quand ? ­ le déploiement de missiles sol-air ?

Le site de la Hague que vous citez appartient, comme d'autres, aux installations d'intérêt national. Il bénéficiera donc de mesures de protection dont la mise en oeuvre est engagée par l'armée de l'air et se poursuivra. Il faut comprendre que ces mesures constituent un complément au dispositif mis en place depuis le 11 septembre, qui renforcent notre posture de précaution.

Retour au sommaire