Troisième trimestre 2000


WISE-Paris révèle le " Chantage " de la COGEMA à Cadarache

Intérêts industriels contre considérations de sûreté

WISE-Paris, le 19 Juillet 2000

[Mise en ligne le 19/07/2000]

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(en français) le 21 août 2000
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(en français)

L'Atelier de Technologie du Plutonium (ATPu) à Cadarache est un élément déterminant autant dans la stratégie commerciale de la COGEMA que dans le programme allemand de gestion du plutonium. Actuellement, son avenir est remis en cause par la DSIN, qui exige sa fermeture depuis 1995 en raison de l'activité sismique importante de la faille de la Durance, voisine de l'usine. Les enjeux industriels importants d'un arrêt de l'activité de l'ATPu expliquent les réponses dilatoires du CEA (Commissariat à l'Énergie Atomique) et de la COGEMA dans cette affaire.

Créé en 1961 sur le site du CEA à Cadarache, ce laboratoire était destiné à l'étude du combustible contenant du plutonium. Exploité par le CEA, il a mené les programmes expérimentaux sur le combustible RNR et en a assuré la production par la suite. La COGEMA a ensuite repris la production de combustible MOX en 1991. Le CEA reste cependant l'exploitant en termes juridiques encore aujourd'hui et aucun décret d'autorisation n'a modifié le statut de l'ancien laboratoire transformé en unité de production, atteignant la cadence industrielle et commerciale de 40 tonnes par an.

Or, l'IPSN (Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire) a établi que les environs de Cadarache sont le siège de séismes destructeurs d'intensité VIII sur l'échelle MSK, dont la période de retour serait de l'ordre du siècle. Le dernier événement sismique de ce type remonte à 1913 et l'étude IPSN menée en 1994 révèle que la sismicité à Cadarache " accuse une recrudescence significative depuis la fin décembre 1993 ". La DSIN a demandé dès 1995 " un schéma pour le futur de l'ATPu comprenant une date de fermeture définitive et non-renégociable de l'installation, peu après 2000 ". Suite à une deuxième requête de la DSIN en 1997, qui juge que " cette situation n'est pas acceptable ", l'exploitant propose la mise en place d'une superstructure englobant les installations existantes, que l'autorité de sûreté refusera quelques mois plus tard.

Mais le MOX de Cadarache est d'un double enjeu industriel. D'une part pour COGEMA, il s'agit d'honorer ses contrats avec les électriciens allemands, sachant que l'usine de Belgonucléaire à Dessel ne peut assumer cette production (vu son cahier de charge déjà rempli jusqu'en 2006) et que MELOX n'est autorisée que pour 115 tonnes (oxyde) de MOX destinées à EDF et aux entreprises japonaises. D'autre part, l'ATPu représente pour les Allemands la consommation de plus de 15 tonnes de plutonium par le biais des contrats engagés. Le programme de retraitement du combustible usé allemand à La Hague et à l'usine britannique de Sellafield pourrait ainsi être remis en cause, si la réutilisation sous forme de MOX du Pu ainsi séparé était bloquée par la fermeture de l'ATPu.

La COGEMA tient à rentabiliser les investissements réalisés ces dernières années à l'ATPu et n'envisage de fermer l'usine que dans le cas où son autre usine MELOX à Marcoule obtiendrait une autorisation pour 250 tonnes. La poursuite actuelle de l'activité à l'ATPu constitue un danger avéré et sert de chantage à l'exploitant pour étendre la production à MELOX. Consciente de ce " chantage " (selon les termes d'une annotation en marge d'un courrier CEA-COGEMA du 11 décembre 97), la DSIN exige toutefois un engagement clair de la part de l'exploitant en faveur d'une fermeture définitive. Mais " à ce jour, l'exploitant n'a toujours pas fait connaître sa réponse ". L'ATPu reste donc le siège d'une compétition entre intérêts industriels et impératifs de sûreté dont l'issue repose désormais entre les mains des ministères de tutelle.


Nous tenons à souligner le fait que les responsables de la DSIN, d'une manière sans précédent, ont permis l'accès à l'information, dont des documents écrits, que nous avons demandé. Il ne s'agit en l'occurrence nullement de " fuites " d'information.

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