Octobre 2001
WISE-Paris
répond à COGEMA : Les conséquences
de la chute d'un avion gros porteur sur La Hague dépasseraient
l'imagination
WISE-Paris, 2 octobre 2001
[Mise en ligne le 03/10/2001]
Dans le texte suivant, WISE-Paris répond
point par point aux affirmations de COGEMA, publiées dans
un communiqué placé sur son site Internet (www.cogemalahague.fr)
le 19 septembre 2001. |
Dans un communiqué du 19 septembre 2001,
COGEMA a vivement contesté les informations de WISE-Paris sur
le risque potentiel que représentent ses installations de retraitement
à La Hague face à la menace de chute d'avion de grande
taille. Les attaques terroristes menées aux États-Unis
le 11 septembre 2001 ont illustré de façon dramatique
qu'il n'est désormais plus possible d'exclure un tel scénario
sur la base de considérations probabilistes.
WISE-Paris a rendu public les résultats d'analyses
effectuées dans le cadre d'une étude récente, selon
lesquelles des scénarios d'accident grave entraînant une
perte d'eau dans une piscine de refroidissement des combustibles usés
conduiraient à un relâchement massif de substances radioactives,
dont l'impact pourrait atteindre plusieurs dizaines de fois celui de
l'accident de Tchernobyl. Il apparaît aujourd'hui que le crash
d'un avion commercial doit être ajouté à la liste
de ces scénarios.
Depuis, Michel Pouilloux, directeur de l'établissement
COGEMA La Hague, a déclaré : " Je crois qu'il
faut faire une analyse " sur l'impact d'une chute d'avion,
car " ce qui paraissait extrêmement improbable a été
réalisé à New York. Il faut maintenant le regarder
" (1). COGEMA n'a donc mené, avant
cette date, aucune étude approfondie d'un scénario de
chute d'avion de ligne, hypothèse écartée par la
réglementation applicable à la conception des installations
nucléaires. Toutefois, le communiqué de COGEMA cherche
à démontrer, point par point, " l'absence de rigueur
" de l'étude menée par WISE-Paris (2)
pour conclure qu'il est " irréaliste " de croire
qu'un crash d'avion commercial sur La Hague pourrait conduire à
une catastrophe.
Il revient à COGEMA de fournir la démonstration
à l'appui de cette conclusion rassurante ; le communiqué
du 19 septembre 2001 n'en propose pas. Les quelques éléments
livrés par COGEMA, s'ils restent minces et adoptent parfois un
ton diffamatoire, offrent cependant l'opportunité d'amorcer un
débat sur le fond, que WISE-Paris souhaite aussi rigoureux que
possible. En particulier, les points détaillés ci-après
du communiqué COGEMA du 19 septembre 2001 (citations reprises
en couleur) appellent nos commentaires.
1) " L'absence de
rigueur scientifique de l'étude de WISE-Paris est d'abord illustrée
par la comparaison faite avec Tchernobyl. Non seulement, l'usine de
La Hague est une installation industrielle chimique ne s'apparentant
en aucune façon à un réacteur nucléaire,
mais son activité même réduit les risques d'accidents
dus à une chute d'avion. "
Il ne s'agit évidemment pas d'affirmer que
le scénario d'accident observé à Tchernobyl peut
se reproduire à l'identique dans une piscine d'entreposage de
combustible irradié. Mais ceci ne signifie en rien qu'un scénario
spécifique conduisant au même type de relâchement
massif de substances radioactives est impossible. De fait, la NRC a
publié en octobre 2000 aux États-Unis une étude
(3) décrivant des scénarios de cet
ordre (vidange accidentelle des piscines, feu de zirconium, etc.). La
comparaison proposée par WISE-Paris ne porte pas sur les scénarios
eux-mêmes, mais sur l'impact de scénarios différents
conduisant à des effets de même nature (relâchement
et dispersion de grandes quantités de césium-137).
Les usines de retraitement de La Hague constituent effectivement une
" installation industrielle chimique " d'un type très
particulier, qui n'a assurément rien à voir - sauf la
présence de matières nucléaires - avec un réacteur.
Il n'est cependant pas du tout évident que, comme l'affirme COGEMA,
sa spécificité se traduise par une réduction des
risques. Au contraire, on peut légitimement s'interroger sur
les impacts potentiels d'un crash d'avion sur le site de La Hague par
rapport à une autre installation nucléaire lorsqu'on sait
quel inventaire de matières radioactives y est rassemblé
: le site concentre dans ses piscines de refroidissement une quantité
de combustible équivalente à 70 curs de réacteurs
environ (4), à laquelle s'ajoutent dans
d'autres entreposages de l'ordre de 55 tonnes de plutonium séparé
pulvérulent (5) et plus d'un millier de
mètres cubes de déchets hautement radioactifs à
vie longue.
Cette logique de concentration ne peut qu'accroître à la
fois les possibilités de scénario de relâchement
massif et les quantités mises en jeu dans de tels scénarios.
C'est le sens de l'évaluation rendue publique par WISE-Paris
: un accident grave produisant un relâchement majeur conduirait
à la dispersion dans l'environnement de quantités très
supérieures à celles relâchées par l'accident
de Tchernobyl, avec un impact potentiel en proportion.
2) " Le combustible
usé présent sur le site y est en effet moins vulnérable
que dans une centrale nucléaire ou à proximité.
Quant aux résidus vitrifiés issus du traitement, ils sont
totalement inertes et exempts de tout risque. "
La vulnérabilité comparée du
combustible nucléaire dans les centrales ou dans les piscines
d'entreposage à La Hague dépend de la résistance
des structures qui l'abritent. COGEMA fait état de parois en
béton armé allant de 80 cm à 1,60 cm "
en moyenne ", mais n'indique pas quelle est l'épaisseur
exacte de la partie la plus exposée, c'est-à-dire la dalle
de toit du bâtiment d'entreposage. L'enceinte de confinement des
réacteurs français de 900 MW mesure 90 cm, ceux de 1.300
et 1.450 MW possèdent deux enceintes successives de 55 cm et
1,20 m séparées par un vide de deux mètres (6).
Un réacteur de 1.300 MW mesure environ 40 m de diamètre
pour 50 m de haut, que l'on peut comparer aux 90 m de long pour 30 m
de large des bâtiments abritant les piscines C, D et E. La protection
des piscines semble donc au mieux comparable - et plus probablement
inférieure - à celle des réacteurs, dont l'autorité
de sûreté, la DSIN, a reconnu le 13 septembre qu'ils n'étaient
pas dimensionnés pour résister à une chute d'avion
commercial
On comprend pourquoi : d'après les évaluations
menées par la NRC, la probabilité de pénétration
d'un avion de masse supérieure à 5,4 t dans un mur en
béton de 1,20 m, soit la médiane des chiffres avancés
par la COGEMA, est supérieure à 55 %. Les avions de ligne
atteignent des poids de plusieurs centaines de tonnes, et ont en cas
de choc un impact plusieurs dizaines à plusieurs centaines de
fois supérieur à celui pris en compte dans le dimensionnement
des installations nucléaires.
Concernant les déchets vitrifiés issus du retraitement,
leur caractère inerte est la condition nécessaire à
la non dispersion d'origine interne aux colis des produits de fission
hautement radioactifs et des actinides à durée de vie
très longues qu'ils contiennent. Un évènement d'origine
externe peut cependant conduire à leur dispersion si l'apport
énergétique est suffisant : il s'agit dès lors
d'évaluer la résistance de ces colis aux conditions de
choc et de chaleur d'une chute de gros avion avec incendie de kérosène,
et non pas d'affirmer abruptement que ces colis sont " exempts
de tout risque ".
D'après les informations recueillies par WISE-Paris, les spécifications
techniques concernant les déchets vitrifiés, indiqueraient
que ce type de déchet doit être maintenu en permanence
à une température inférieure à 510°C,
qu'à 546°C le verre utilisé commence à se déformer
et qu'il devient liquide à 1.160°C - une température
que peut dépasser un feu de kérosène. De plus,
ces déchets hautement actifs sont issus de la vitrification des
solutions liquides contenant les " résidus " du retraitement.
Les usines de La Hague opèrent depuis 1990-1991 la vitrification
" en ligne ", c'est-à-dire sans entreposage des déchets
sous leur forme liquide. COGEMA a cherché depuis cette date à
vitrifier les stocks de déchets liquides entreposés avant
l'ouverture de ces ateliers. Il n'est pas exclu que des stocks résiduels
de déchets hautement actifs subsistent à ce jour sur le
site sous leur forme liquide d'origine, beaucoup plus dispersable que
la forme vitrifiée (7). Il semblerait par
ailleurs que les spécifications techniques fassent état
d'une durée d'entreposage d'un an entre la concentration des
produits de fission et leur vitrification, ce qui impliquerait l'existence
d'un stock tampon significatif de déchets liquides de haute activité.
D'autres problèmes semblent être soulevés au vu
de ces mêmes spécifications techniques, concernant les
déchets bitumés. Ces déchets correspondent aux
boues produites lors des opérations de retraitement, qui jusqu'en
1998 (8), étaient coulées avec du
bitume dans des fûts métalliques de 210 et 225 l, possédant
une paroi d'un millimètre d'épaisseur. Ces déchets
deviennent fluents vers 50°C, brûlent lorsqu'ils sont soumis
à un feu de 350°C, et s'enflamment spontanément lorsque
la température ambiante atteint environ 400°C. Fin 1999,
de l'ordre de 2.350 m3 (9.898 fûts) de déchets bitumés
étaient entreposés sur le site de La Hague.
Il faut par ailleurs noter les grandes quantités de boues (9.300
m3), de coques et embouts (2.245 t), de magnésium (9)
et de graphite (2.930 m3) stockées en vrac dans des silos. Ces
silos ont déjà démontré leur sensibilité
au feu le 6 janvier 1981, en provoquant l'accident recensé le
plus important (classé niveau 3 sur l'échelle INES) qui
soit survenu sur le site de La Hague.
Enfin, COGEMA omet de mentionner les autres stocks énormes de
matières radioactives entreposées sur le site, en particulier
le plutonium entreposé sous forme de poudre - donc fortement
dispersable en cas de scénario de relâchement, ainsi que
des quantités inconnues d'uranium de retraitement potentiellement
sous forme liquide (10).
3) " Par ailleurs,
WISE-Paris prend comme hypothèse le relâchement dans la
nature de l'intégralité du césium contenu dans
les combustibles en piscine. Cette hypothèse est dénuée
de fondement scientifique. "
Une hypothèse précise sur le pourcentage
de relâchement doit correspondre à un scénario précis
de relâchement. Dans son évaluation, WISE-Paris ne s'intéressait
pas à un scénario spécifique mais s'attachait au
contraire à montrer l'impact potentiel de scénarios possibles
de relâchement. L'étude d'octobre 2000 de la NRC, qui fournit
la base de cette évaluation, indique clairement une fourchette
possible de 50-100 % pour le relâchement du contenu en césium?137
d'une piscine dans les scénarios les plus pénalisants.
WISE-Paris a retenu l'hypothèse 100 % et évalué
les quantités relâchées dans cette hypothèse
sur la base du contenu de la plus petite piscine de La Hague remplie
à la moitié de sa capacité d'entreposage : on aboutit
ainsi à 66 fois les quantités estimées de césium?137
relâchées par l'accident de Tchernobyl ; il est vrai qu'avec
l'hypothèse basse de la fourchette NRC ce chiffre " tombe
" à 33 fois. En outre, même un relâchement limité
à quelques pour cent du contenu en césium de la plus petite
piscine à moitié chargée conduirait à des
conséquences totalement inacceptables.
L'affirmation de COGEMA selon laquelle l'hypothèse des 100 %
est " dénuée de fondement scientifique "
revient à avoir démontré qu'aucun scénario
imaginable ne donnerait lieu à un tel relâchement. S'agissant
de scénarios de perte de liquide dans les piscines et de propagation
d'incendie par " feu de zirconium ", ce sont des calculs sur
l'énergie dégagée qui permettent d'évaluer
le taux de relâchement. Les analyses effectuées depuis
par WISE-Paris (Les
installations nucléaires exposées aux risques de chute
d'avion) montrent que l'impact de la chute d'un avion gros-porteur
sur une piscine de La Hague pourrait entraîner la destruction
ou l'endommagement sévère de la piscine ciblée
mais aussi de plusieurs piscines et d'autres ateliers du site.
4) " En premier lieu,
les combustibles sont très bien protégés car contenus
dans des gaines elles-mêmes assemblées et tenues dans des
alvéoles métalliques, le tout placé sous quatre
mètres d'eau. Leur refroidissement à une température
moyenne de 40° est assuré en permanence et, dans l'hypothèse
déjà improbable où ils se retrouveraient hors d'eau,
plusieurs jours seraient nécessaires pour qu'ils parviennent
à une température équivalente à celle atteinte
dans les réacteurs. Enfin, la température des combustibles
pourrait être maintenue, grâce aux moyens d'intervention
dont dispose l'usine, à un niveau tel que les risques de fusion
ultérieurs peuvent être écartés. "
Ces remarques s'appliquent aux scénarios
d'accident ayant une cause interne, lié à un aléa
dans la conduite de l'installation - vidange accidentelle d'une piscine,
panne des circuits d'alimentation en eau
On peut discuter du déroulement
de ce type de scénario, par exemple de la vitesse effective de
vidange des piscines, ou de la température effectivement atteinte
selon la configuration des combustibles, ou encore de l'efficacité
réelle des moyens d'intervention.
Les propos rassurants de COGEMA sont sur ce point en contradiction avec
l'étude récente de la NRC citée plus haut, qui
conclut que ce type de scénario d'origine interne peut conduire
à un relâchement massif de matières. Une étude
IPSN (Institut de protection et de sûreté nucléaire)
(11) de 1997, portant sur le dénoyage total
de la piscine confirme qu' " une première approche par
calcul en cas de dénoyage total a montré qu'en l'absence
d'aménagement complémentaire du bâtiment de la piscine
D la température de l'air dans le bâtiment augmenterait
de 10°C par heure et atteindrait ainsi 1.000°C au bout de quatre
jours. Dans le cas d'un dénoyage partiel, du fait de l'inertie
thermique de l'eau, cette même température, conduisant
à un risque inacceptable de rupture de gaines, serait atteinte
après environ sept jours ".
Les mêmes remarques ne sont en revanche que peu valables dans
le cas d'une origine externe telle que l'impact d'un avion, puisque
celui-ci peut justement détruire ou affecter l'ensemble des protections
décrites par COGEMA : les gaines et la géométrie
des assemblages, la présence d'eau dans la piscine et les systèmes
régulant sa circulation, et même la capacité de
fonctionner des moyens d'intervention une fois la zone sinistrée
et peut-être fortement contaminée.
Une étude IPSN (12) , datant de 1997, a
montré sous forme de compte rendu d'expériences qu'un
feu alimenté par une tonne de kérosène répandu
sur une surface de 20 m2, dans une installation de 3.600 m3, porterait
la température ambiante à 750°C en 15 minutes, 860°C
en une heure et pourrait atteindre 1.200°C en 6 heures. D'autre
part, la surpression de 365 mbar atteinte en 75 secondes au cours de
l'expérience tend à montrer que l'incendie pourrait se
propager à d'autres installations reliées au foyer de
l'incendie via les systèmes de ventilation. Enfin, l'IPSN conclut
dans son étude que " ce résultat signifie que
certaines règles appliquées actuellement sont, du point
de vue de la protection des biens et des hommes, inadaptées ".
Rappelons que la piscine D prise en exemple dans les calculs de WISE-Paris
mesure 16,6 m de large et 69 m de long pour une profondeur de 10,6 m
; le bâtiment qui la contient mesure 24 m de large, 77 m de long
et 15,5 m de haut soit 1.848 m2 pour 28.644 m3. La surface au sol du
bâtiment est donc 92,4 fois celle utilisée dans les expériences
décrites par l'IPSN, le volume près de 8 fois. Un Boeing
767 peut embarquer jusqu'à 90.770 l de kérosène
soit environ 90 t, ou encore 90 fois les quantités de carburant
utilisées lors des expérimentations IPSN. Bien que ceci
ne puisse pas constituer une démonstration scientifique, les
ordres de grandeur précédents laissent supposer que l'incendie
consécutif à un crash sur une piscine puisse être
plus pénalisant encore que celui de l'IPSN, ce qui laisserait
bien peu de temps aux " moyens d'intervention " invoqués
par COGEMA pour agir.
5) " COGEMA a étudié,
bien avant les attentats commis aux Etats-Unis, l'éventualité
d'un accident provoquant la vidange totale des piscines. Il est apparu
que cette vidange ne serait pas immédiate et que le réchauffement
des matières radioactives s'étalerait sur plusieurs jours,
laissant le temps au dispositif anti-incendie de l'usine d'intervenir
avec efficacité. En effet, l'usine COGEMA de La Hague dispose
d'un centre de secours et d'un effectif d'une cinquantaine de pompiers
hautement spécialisés et familiers des installations.
Les capacités d'intervention anti-incendie propres au site sont
équivalentes à celles d'une ville de 35 000 habitants.
"
Certes l'élévation de température
" naturelle " des combustibles se retrouvant hors d'eau est
un scénario calculable et probablement prévu dans le dimensionnement
des dispositifs de sûreté, mais là encore, la COGEMA
étudie le cas d'une défaillance interne dont les conséquences
s'étalent dans le temps, laissant ainsi une marge de manuvre
suffisante aux dispositifs de sûreté pour se mettre en
uvre.
Le scénario accidentel de chute d'avion se déroule sur
une durée très courte, avec une zone à prendre
en compte qui dépasserait largement la surface du bâtiment
considéré et avec un apport d'énergie thermique
considérable. Par conséquent, le bon fonctionnement des
dispositifs de sûreté pourrait être mis en jeu, l'intégrité
de la piscine remise en question et la durée de vidange écourtée,
sous l'effet combiné de l'impact puissant et de la chaleur intense
(jusqu'aux alentours de 2.000°C) que dégagerait un feu alimenté
par plusieurs dizaines de tonnes de kérosène. Lors des
événements de New York du 11 septembre 2001, ce sont les
équipes de secours et les pompiers d'une ville de plusieurs millions
d'habitants qui ont été mises en uvre.
6) " L'usine de La
Hague bénéficie de ce que l'on appelle une défense
en profondeur. La quasi-totalité de ses bâtiments sont
ainsi protégés par une épaisse couche de béton
d'une extrême robustesse. "
Rien, dans les informations fournies à ce
jour par COGEMA, n'indique que cette couche de béton a été
conçue pour résister à l'impact d'un avion commercial
à pleine vitesse. Au contraire, les déclarations diverses
de responsables de COGEMA comme de responsables de la sûreté
nucléaire confirment l'idée qu'elles ne sont pas dimensionnées
pour un tel scénario, qui n'a même jamais été
étudié. De plus, différents experts en bâtiment
et en construction ont commenté l'effondrement des tours du World
Trade Center après les attentats du 11 septembre 2001 en affirmant
qu'aucune construction ne saurait résister à un tel impact.
La notion d' " extrême robustesse " apparaît par
ailleurs difficile à définir et à quantifier sur
un plan scientifique.
7) " Comme l'a rappelé
le Directeur de l'Autorité de sûreté nucléaire
dans des déclarations ces derniers jours, aucune installation
nucléaire n'a été conçue pour résister
à la chute d'un avion de ligne. COGEMA et l'Autorité de
sûreté nucléaire avaient retenu l'hypothèse
de la chute d'un bimoteur, mais, jugé trop improbable le risque
accidentel de chute d'un avion gros-porteur (moins de 1 sur 100 millions).
"
D'une part, COGEMA omet de préciser que les
déclarations du Directeur de la sûreté des installations
nucléaires s'appliquaient aux réacteurs nucléaires
(voir le communiqué de la DSIN du 13 septembre 2001, http://www.asn.gouv.fr/data/information/36avion.asp).
La règle fondamentale de sûreté sur la prise en
compte du risque de chute d'avion applicable aux réacteurs est
entrée en vigueur en 1980. Concernant les autres installations
nucléaires, donc celles du type des usines de La Hague, la règle
fondamentale de sûreté équivalente n'a été
publiée qu'en 1992, soit bien après la construction de
l'essentiel des équipements du site. Rien n'indique à
ce jour de quelle manière, en l'absence de contrainte réglementaire,
le risque de chute d'avion a été effectivement pris en
compte ou non dans la conception des installations.
D'autre part, l'affirmation selon laquelle COGEMA a retenu l'hypothèse
d'un bimoteur contredit les informations présentées en
2000 par COGEMA dans le dossier soumis à enquête publique
pour la révision des autorisations de ses usines. En effet, l'étude
de dangers du dossier concernant les modifications envisagées
sur l'INB 117 (UP2-800), indique que " pour le site de La Hague,
l'aéronef de référence choisi est le Cessna 210
chutant à 100 mètres/seconde au plus, avec une probabilité
d'un impact de quelques unités sur cent milliards par mètre
carré et par an. " La Règle Fondamentale de Sûreté
I.1.a préconise l'étude de deux types d'avions : le Cessna
210, monomoteur à hélice de 1,5 t, et le Learjet 23, bimoteur
à réaction de 5,7 t. Il est même possible que le
CEA puis COGEMA n'aient lors de la construction des installations pris
en compte aucun de ces deux cas : en effet, on peut lire dans le même
dossier d'enquête publique que " pour chaque atelier de
l'I.N.B [Installation nucléaire de base], la probabilité
de chute d'un avion entraînant des conséquences sur l'environnement
est inférieure à un dix millionième sur une période
de 1 an, probabilité jugée suffisamment faible pour que
ce risque ne soit pas pris en compte dans le dimensionnement. "
Sur le fond, cet argumentaire s'appuie sur une logique probabiliste
- un impact grave multiplié par une probabilité très
faible égalent
un " risque acceptable " - qui
n'est plus de mise aujourd'hui. C'est justement parce que ce raisonnement
n'est plus applicable qu'il est urgent de réfléchir aux
conséquences potentielles d'un scénario de crash d'avion
commercial sur le site, qui de pas impossible mais inimaginable avant
le 11 septembre 2001 est devenu non seulement possible mais plausible
depuis.
8) " L'usine fait
l'objet d'une interdiction permanente de survol. Compte tenu de sa position
géographique, la Défense Nationale aurait le temps d'intervenir
si une infraction à cette règle était suspectée.
"
Manque de rigueur ou omission, la COGEMA écrivait
dans ses dossiers d'enquête publique que " le site de
La Hague fait l'objet d'une interdiction de survol à basse
altitude : 300 m pour les monomoteurs et 1000 m pour
les multi-moteurs. " Est-il alors possible ou non de survoler
La Hague sans être suspecté ? La configuration de l'espace
aérien autour de La Hague permet d'envisager le cas où
un avion gros porteur, dérouté de son couloir aérien
situé à 30 km, survolerait les installations de La Hague
2 min 30 s plus tard. Pire encore, il n'y a que 8 km, ou 40 s de vol,
de la TMA (Terminal Movement Area) la plus proche au site. Ce délai
est clairement en deçà des délais possibles d'intervention
de la Défense Nationale quelque soit son état d'alerte.
9) " Les structures
sont en partie construites en sous-sol et les piscines occupent une
faible superficie par rapport à l'ensemble des autres installations
dans lesquelles elles se trouvent insérées. Il serait
donc impossible à un avion de percuter verticalement une piscine.
"
" Les piscines sont indépendantes les unes des autres et
leur configuration rend impossible une percussion simultanée.
De plus, leurs parois de béton armé ont en moyenne 80
centimètres à 1,60 mètre d'épaisseur et
sont conçues pour résister à des séismes
de magnitude 8. "
La superficie occupée par la zone des piscines
de La Hague, qui sont accolées les unes aux autres, est bien
supérieure, y compris sous un angle oblique, à l'aire
d'impact sur les tours du World Trade Center. On a pu constater que
des pilotes entraînés étaient tout à fait
capable d'atteindre des objectifs de quelques 50 m de large. Peut-on
croire ensuite qu'il est impossible d'atteindre une zone de plus de
100 m x 100 m sous un angle de 45° par exemple ?
L'envergure des avions gros porteurs de type commercial combinée
à la configuration des piscines d'entreposage des combustibles
irradiés (voir plan page 14 du briefing de WISE-Paris), sans
parler de la dispersion de débris et de kérosène
en cas d'impact, nécessite la prise en compte d'un impact simultané
sur plusieurs installations d'entreposage. Pour mémoire, les
piscines C et A sont séparées par une zone d'environ 25
m de large, à comparer aux 47,6 m d'envergure d'un Boeing 767.
Sur quelles bases COGEMA compare-t-elle un séisme de magnitude
8 et la chute d'un gros-porteur ? Quel est donc le dimensionnement retenu
en cas de chute d'avion pour chaque partie sensible du site de La Hague
?
10) " Au sol, la sécurité
des installations de la Hague est assurée en permanence par des
forces de sécurité spécialisées propres
à COGEMA. L'ensemble du site est entouré d'une double
clôture périphérique et muni de systèmes
de détection et de télésurveillance très
sophistiqués. L'accès aux zones les plus sensibles n'est
possible que pour les personnels dûment autorisés. "
" Ces mesures ont encore été renforcées depuis
le 11 septembre avec la mise en place du plan Vigipirate. Les visites
du public sont notamment suspendues depuis cette date. "
Les données publiées par WISE-Paris
concernent l'impact possible de la chute d'avion sur des installations
de La Hague. Les " forces de sécurité spécialisées
propres à COGEMA " n'y changent rien.
Notes :
- " Frontal21 ", ZDF, 25 septembre 2001
- Cette étude n'a par ailleurs pas été
rendue publique. Interrogée à ce sujet le 2 octobre
2001, COGEMA a affirmé ne pas disposer de l'étude dont
elle dénonce pourtant sans hésiter " l'absence
de rigueur scientifique "
- US NRC, " Study of Spent Fuel Pool Accident
Risk at Decommissioning Nuclear Power Plants ", Octobre 2000
- 7 484,2 t de combustibles au total au 30 juin
2001 pour environ 70 t à 110 t dans le cur d'un réacteur
du parc EDF selon sa puissance. Cette quantité est supérieure
au tonnage total de combustible chargé actuellement dans les
58 réacteurs exploités en France par EDF
- État au 31 décembre 1999, selon
la déclaration de la Mission Permanente pour la France auprès
de l'AIEA
- Source : www.asn.gouv.fr
- Nous appelons la COGEMA et sa tutelle ministérielle
à rendre public les chiffres précis
- Le procédé de bitumage semble
être en phase d'abandon depuis 1998, la COGEMA souhaitant à
terme appliquer le procédé de vitrification pour les
boues
- Le magnésium comme le zirconium fait
partie des métaux combustibles pouvant provoquer des feux de
classe D, ou feux de métaux. Les métaux concernés
sont magnésium, potassium, aluminium en poudre, zinc, sodium,
titanium et zirconium
- Interrogée sur les quantités et
la forme de ces stocks en juin 2001 et relancée plusieurs fois
depuis, COGEMA n'a toujours pas fourni de réponse le 2 octobre
2001
- J.-P. Goumondy, J. Marciano, " Étude
de l'accident de dénoyage des piscines d'entreposage de combustibles
irradiés ", IPSN, 1997
- J.-C. Malet, " Les études sur les
incendies menées à l'IPSN ", IPSN, 1997
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